Mort Subite du Nourrisson : le témoignage de Justine, 30 ans
Voici l'histoire de mon fils Côme, décédé l'année dernière de la mort subite du nourrisson. De ma première grossesse à aujourd’hui, je vous fais part de mon ressenti et je vous donne quelques conseils sur ce que j’ai vécu.
Je m’appelle Justine, j’ai 30 ans et je vis dans l’Yonne. Je suis en couple depuis maintenant treize ans. Notre fille, Jade, est âgée de 6 ans et nous sommes aussi parents d’un petit Côme, décédé il y a un an. Je suis actuellement enceinte de mon troisième enfant.
Mes trois grossesses, la naissance de Côme et son accueil chez nous
J’ai vécu trois très belles grossesses où tout s’est toujours bien passé. Je suis allée jusqu’au bout en travaillant jusqu’à la fin sans aucune difficulté. Pour la grossesse de Côme, j’ai eu un petit peu plus de nausées, mais rien d’anormal et de vraiment dérangeant.
Lors de ma première grossesse, j’ai décidé d’accoucher avec une péridurale, et c’était un très bel accouchement, un accouchement tout en douceur. Jade pesait 3,250 kg. C’était un bébé avec un poids moyen.
La naissance de Côme
Pour Côme, c’était un peu différent, nous avions fait le choix de ne pas connaître le sexe du bébé jusqu’à l’accouchement pour avoir la surprise. J’ai accouché un jour avant le terme, et je ne souhaitais pas de péridurale. J’ai réussi à m’y tenir et je suis très fière de moi, même si je ne le referais pas ! Ça s’est vraiment joué sur mon mental car sur le moment, on ne rêve que d’une chose : soulager les contractions ! A la naissance, il pesait presque 3,6 kg. C’était un très beau bébé en très bonne santé.
Lorsque Côme est né, Jade était très contente d’avoir un petit frère et nous étions sur un petit nuage, comme tout parent qui accueille un nouveau-né. C’était un très beau retour à la maison. Nous avions conscience avec mon conjoint que le premier enfant pouvait être un peu jaloux de la venue d’un deuxième bébé, mais nous avons tout fait pour qu’il n’y ait pas cette jalousie-là. J’ai donc beaucoup impliqué Jade dans la grossesse, les achats, la préparation de la chambre avant que bébé arrive pour que tout se passe le mieux possible.
A la naissance de Côme, j’ai même fait une « box grande sœur » en lui disant que c’était de la part de son petit frère. Jade ne m’a jamais demandé comment c’était possible, mais elle était très contente de recevoir des cadeaux de la part de Côme. Elle était vraiment amoureuse de son petit frère, c’était un amour magnifique ! Tout se passait donc très bien, nous nous sommes adaptés à notre nouvelle vie à quatre et Jade était très fière de montrer son petit frère, de s’occuper de lui et de lui donner le biberon. A la fin de mon congé maternité, j’ai décidé de le prolonger pour profiter un peu plus de mon bébé.
Les premiers mois de Côme : l’alimentation, le sommeil et la garde
Les premiers mois de bébé
Les premiers mois avec Côme, ont été un peu plus compliqué que pour la naissance de Jade, puisque pour le premier, on s’adapte pleinement au rythme du bébé. Pour le deuxième, il y a déjà le premier enfant à gérer donc c’est forcément un petit peu plus difficile. Nous devons parfois réveiller bébé qui dort paisiblement pour emmener la plus grande à l’école. Il faut donc réussir à avoir une organisation différente car c’est plus sport.
Ce qui nous a vraiment aidé, ce sont les cinq ans d’écart avec Jade car elle était déjà autonome. J’ai aussi pu prolonger mon arrêt avec mes congés payés que je n’avais pas posés. Côme est né le 15 septembre 2021, je devais reprendre le travail fin novembre début décembre et j’ai finalement pu retourner au travail juste après Noël, le 27 décembre.
L’alimentation de bébé
Concernant l’alimentation de mes enfants, j’ai vraiment eu beaucoup de chance. Je n’ai allaité ni Jade, ni Côme, mais j’ai fait la tété de bienvenue à la naissance de chacun. Ensuite, nous sommes passés au biberon avec le lait que la maternité proposait. D’ailleurs, j’ai l’impression que la marque de lait change d’une année à l’autre. Pour ma fille, nous avons pris le lait « Gallia » jusqu’à ses trois ans. Elle a eu quelques petites coliques qui se sont très vite arrêtées après un rendez-vous chez l’ostéopathe. Lorsque mon fils est né, c’était la marque de lait « Guigoz » et nous avons continué avec cette marque-là. Il n’avait pas de soucis d’alimentation, aucune colique. Il mangeait très bien. En fin d’année, Côme nous a fait une bronchiolite, mais rien de bien méchant puisqu’il n’a pas été hospitalisé. A ce moment-là, il prenait un peu moins de biberon, mais tout allait bien.
Le sommeil de bébé
Au niveau du sommeil, Côme dormait dans notre chambre lors de sa bronchiolite pour que l’on puisse le surveiller. Nous avions mis en place le cododo pendant un long moment, mais il était bien sûr dans son lit, car c’est important pour la sécurité de bébé. Pour nous, c’était hors de question qu’il soit seul dans sa chambre lors de sa bronchiolite même si j’avais quand même commencé à le faire dormir dans sa chambre lors des siestes. J’avais toujours le babyphone avec moi. Ainsi je pouvais m’occuper tout en étant rassurée. Il me semble aussi qu’il avait dû faire quelques nuits dans sa chambre, pour que l’on se retrouve un peu avec mon conjoint. Mais dès qu’il était malade, bébé était dans notre chambre parentale.
La garde de bébé
Jade avait commencé l’école mais elle était toujours chez la nounou les mercredis et pendant les vacances scolaires. Nous avons décidé de prendre la même nounou pour Côme, car tout se passait bien pour Jade. De plus, la nourrice a beaucoup d’expériences avec les enfants. C’est la vraie nounou qui aime les enfants, avec une entrée remplie de leurs dessins. Elle est passionnée !
Avant l’arrivée de Côme à temps plein chez la nounou, il a fait une ou deux journées d’adaptation au mois de décembre où tout s’est très bien passé. Je trouve que c’est important de faire ça, pour le bébé et pour les parents. Ça nous enlève un stress le jour de la rentrée ! La nourrice a eu Côme officiellement début janvier 2022 et tout se passait pour le mieux. Quand Jade y était, elle était très contente de passer du temps avec son petit frère, de le montrer à ses copains et de s’en occuper. Tout se passait vraiment bien : Côme mangeait bien, il faisait des grosses siestes, rien de particulier à signaler finalement.
Le 10 février, Côme a refait une bronchiolite avec une petite otite. Je n’étais pas du tout une maman stressée quand bébé était malade tant qu’il mangeait un petit peu. Il allait chez la nounou avec sa Ventoline et ses médicaments. Puis, il y a eu les vacances scolaires à la fin du mois. Jade est allée chez la nounou en même temps que son frère pendant plusieurs jours.
L’accident de Côme, la mort subite du nourrisson et ce qu’il s’est passé
Le 23 février 2022 est la date du décès de Côme. Ce jour-là, nous étions tous les deux au travail avec mon conjoint et nos deux enfants étaient chez la nounou.
Aux alentours de 15h30/16h, je reçois un appel de la nounou. Lorsque l’on est parent et que l’on voit le numéro de la nourrice, de la crèche ou de l’école s’afficher c’est toujours très stressant, on ne s’imagine jamais l’appel que l’on va avoir. Quand je décroche mon téléphone, je sens à sa voix qu’il y a un problème. Que ce soit ma famille, mes proches ou moi, ce premier appel a été marquant pour tout le monde et c’est un appel que je n’oublierai jamais de ma vie. Il marque un arrêt dans notre cerveau.
Je me souviens, comme si c’était hier l’appel en panique de la nounou. Elle me répétait sans cesse « Côme ne respire plus, Côme ne respire plus », je ne comprenais rien sur le moment. Je lui ai donc demandé de répéter et elle m’a dit une nouvelle fois « Côme ne respire plus ». Elle était en panique, elle ne savait pas quoi faire. Je me rappelle lui avoir dit « Appelle les pompiers, j’arrive ! ». J’étais seule au travail, j’ai fermé le magasin, j’ai pris toutes mes affaires et je suis montée dans ma voiture.
Il y avait environ 15 à 20 km entre mon travail et le domicile de la nounou. J’ai roulé comme je n’ai jamais roulé et j’ai appelé mon conjoint pour lui expliquer. A un moment donné, je me suis retrouvée derrière le camion de pompier avec la sirène qui retentissait : j’ai compris qu’il se passait quelque chose de grave. Je savais où ils allaient. Plus je roulais et plus je comprenais la gravité de la situation, j’avais besoin d’arriver très vite chez la nounou pour voir mon fils, pour comprendre ce qu’il se passait vraiment. Au téléphone je ne comprenais pas vraiment, on ne comprend jamais qu’il ne respire vraiment plus, on se dit qu’il s’étouffe peut-être, qu’il manque peut-être d’air et on se dit que ça va passer.
Ensuite, nous sommes tous arrivés chez la nounou : moi, mon conjoint, les pompiers. Je n’ai pas pu voir Côme tout de suite, mais j’ai appris un peu plus tard que mon mari avait pu voir notre bébé. Les pompiers sont directement intervenus, ils ont bloqué la porte pour qu’on les laisse travailler et ils ont pris en charge Côme.
La nounou ainsi que ma fille était en pleurs. Elle me disait : « Côme est mort, Côme est mort ». Ensuite, tout s’est enchaîné. C’est passé très vite, et en même temps c’était très long.
Nous sommes restés une heure sur place en voyant le SAMU faire sans cesse des allers et retours. C’était vraiment comme dans les films où l’on demande ce qu’il se passe et que personne ne prend le temps de nous répondre. Ils ont pratiqué le massage cardiaque, ils ont essayé le défibrillateur électrique. J’ai entendu la machine cardiaque qui cherchait un pouls, il n’y avait rien mais je gardais de l’espoir jusqu’au bout.
Contrairement à moi, mon conjoint a tout de suite été plus réaliste puisqu’il a une formation de sauveteur secouriste du travail (SST). Il m’a dit « ça ne sert à rien, si le cerveau n’a plus d’oxygène au bout de sept minutes c’est fichu, on ne le retrouvera plus ». Mais pour moi, ce n’était pas possible, il fallait que je retrouve mon bébé.
Lorsque nous attendions, les gendarmes nous ont interrogé ainsi que la nounou pour réaliser une petite enquête. Puis, les pompiers ont fini par emmener Côme à l’hôpital. A ce moment-là, j’ai encore plus d’espoir ! Je me dis que ce n’est pas fini sinon ils ne feraient pas ça. Jade est prise en charge par mon frère qui habite dans le même village que la nounou, et nous partons à l’hôpital avec mon conjoint. Sur le trajet, je me souviens que j’ai appelé ma maman pour l’informer de la situation.
Une fois arrivés aux urgences, on nous a fait de nouveau patienter. Je n’ai toujours pas pu voir Côme, mais je garde espoir jusqu’au moment où je vois le médecin du SAMU en charge de mon fils sortir avec son sac sur le dos. Nos regards se sont croisés et j’ai lu dans ses yeux que c’était fini. Ensuite, la médecin de l’hôpital nous a demandé de la suivre jusqu’à son bureau en nous demandant ce qu’il s’était passé.
L’explication de la mort subite du nourrisson
Pour bien comprendre l’accident, j’ai beaucoup parlé avec la nounou. J’avais besoin de savoir tout ce qu’il s’était passé.
Côme a commencé la diversification à ses cinq mois, comme je l’avais fait pour Jade. Ce midi-là, il avait mangé un peu de purée et ensuite, elle l’a mis à la sieste.
La nounou gardait pas mal d’enfants, compte tenu des vacances scolaires. Pour que Côme soit au calme, elle s’est dit qu’exceptionnellement elle allait le mettre dans une chambre à l’étage pour qu’il puisse se reposer tranquillement. Elle s’en est beaucoup voulu puisqu’habituellement, il faisait ses siestes dans le salon. Elle l’a alors couché dans son lit, sur le dos et elle est descendue faire des activités avec les plus grands.
Au bout d’une heure de sieste, elle trouvait cela bizarre qu’il ne se réveille pas et elle est montée à l’étage pour aller voir dans la chambre. Lorsqu’elle est arrivée, elle a vu Côme sur le ventre.
À la suite des recommandations des médecins, mon fils a toujours dormi sur le dos. Mais, depuis deux jours, sur le temps d’éveil, il arrivait à se retourner sur le ventre quand il était sur le dos.
Je pense donc que Côme s’est retourné au début lorsque la nounou l’a posé dans son lit, et ensuite on ne saura jamais ce qu’il s’est passé. Lorsqu’elle a vu mon fils dans son lit, son teint avait changé, il était devenu terne. Elle l’a pris, lui a fait des caresses en lui disant : « réveille-toi pépère, réveille-toi », mais il ne se réveillait pas. Elle m’a dit qu’elle sentait au poids de son corps, qu’il se laissait porter. Elle l’a allongé sur sa poitrine, elle a essayé de le frotter au niveau du dos et puis c’est là qu’elle m’a appelé, lorsqu’elle a compris qu’il se passait quelque chose de grave.
Aujourd’hui, je me dis que c’est très important d’avoir un détecteur de mouvement respiratoire afin d’éviter la mort inattendue du nourrisson. Ça aurait peut-être pu permettre à la nounou d’intervenir plus rapidement. Cependant, je trouve ça dommage qu’aucune formation régulière sur les gestes de premier secours ne soit proposée aux assistantes maternelles. Je ne comprends pas qu’il n’y ait pas plus de prévention sur la mort subite du nourrisson étant donné qu’il y a énormément d’accidents domestiques. Je me dis que si elle avait eu une formation régulière et continue, peut-être qu’au lieu de m’appeler, elle aurait fait les gestes immédiatement, mais je ne lui en veux pas, elle n’y est pour rien.
La prise en charge après le décès de Côme
Lorsque la médecin nous a annoncé que Côme était décédé de la mort inattendue du nourrisson, surnommé également la mort subite du nourrisson, mon conjoint et moi nous sommes effondrés.
Une nouvelle fois, tout s’est très vite enchaîné. J’ai tout de suite eu besoin de voir Côme et on a attendu dans le bureau du médecin le temps qu’ils fassent le nécessaire pour le préparer. Le personnel avait monté notre fils à l’étage pédiatrie, dans une petite chambre, pour que ce soit moins « brutal » pour nous.
Je tiens à dire que le personnel de l’hôpital a vraiment été génial. Lorsque nous sommes allés voir Côme, ils nous ont vraiment laissé dans l’intimité avec lui. Puis, notre famille nous a rejoints.
Nous avons revu la médecin qui nous a annoncé le décès de notre fils, pour qu’elle nous parle de la mort subite du nourrisson. Elle nous a demandé si on savait ce que c’était et on lui a dit « oui ». La médecin nous a aussi évoqué le sujet de l’autopsie afin d’être sûr de la cause du décès. Mais nous avons refusé. Nous ne souhaitions pas que l’on touche à notre bébé.
Ensuite, nous avons rencontré les psychologues et discuter avec eux. Nous nous interrogeons beaucoup concernant notre fille, puisque Jade était présente au moment du décès de Côme. Elle a vu la nounou faire le massage cardiaque. Nous nous inquiétons beaucoup pour elle et nous leur demandons ce qu’il va se passer.
En fin de journée, il faut partir. Nous sommes rentrés dormir chez ma maman et nous avons annoncé le décès de Côme à notre fille. Cette nuit-là, nous avons dormi tous les trois puisque nous avions besoin de trouver de la force pour ne pas craquer toute la nuit. Les matins qui suivent le décès de notre fils sont très compliqués. Nous passons du cauchemar à la réalité.
Le lendemain de la mort de Côme
Le lendemain matin, nous sommes retournés à l’hôpital pour faire des papiers administratifs concernant le décès. Ensuite, la gendarmerie nous a appelé en nous expliquant que le procureur souhaitait faire une enquête et exigeait une autopsie à la suite du décès. Je comprends la décision du procureur puisque je travaille en tant que conseillère funéraire depuis bientôt cinq ans.
Tout ce qu’il se passe à ce moment-là je le maîtrise, même si j’aurais préféré ne pas avoir à gérer tout cela. C’est un peu plus facile pour moi que pour mon conjoint car je sais comment ça se passe, je sais ce qu’il faut faire. Mon mari a un peu plus de mal avec l’autopsie. Je lui explique, je le rassure en lui disant que c’est normal et que l’on ne peut pas aller à l’encontre de tout cela. Mais le plus dur c’est qu’il faut attendre plusieurs jours pour le voir le temps que l’autopsie soit réalisée. Côme va être transporté à l’IML de Paris. Ce n’est pas facile puisque comme tout parent, nous avons besoin de protéger notre bébé, d’être là à ses côtés, mais on ne peut rien faire, rien maîtriser. Les personnes qui s’occupent de la prise en charge de notre fils nous ont beaucoup rassuré et nous assurent qu’ils vont prendre soin de lui là-bas.
L’organisation des obsèques
Ensuite, les jours passent. Nous devons organiser les obsèques. Nous nous posons des questions comme : est-ce qu’on l’enterre ? est-ce qu’on fait une crémation ? où est-ce qu’on l’enterre ? Il faut aussi choisir une musique pour son enterrement.
Honnêtement, j’ai vraiment tout géré et je ne sais pas comment j’ai fait. J’étais si forte que même mes propres parents me disaient « Tu vas craquer quand ? ». J’avais besoin de tout faire pour que mon fils ait une belle cérémonie. C’était pour moi les derniers jours pour lui rendre un bel hommage. Je voulais que tout soit parfait. J’étais vraiment dans la gestion, pour lui, pour mon fils. Mon conjoint me laissait faire. Il m’a laissé choisir les musiques, les textes et je lui faisais valider. J’ai même réalisé une vidéo avec des photos de Côme pour son enterrement. C’était très dur, mais je voulais lui faire une belle cérémonie. Les professionnels nous ont quand même aidé en nous partageant des idées auxquelles je n’avais pas forcément pensé. Ils étaient très impliqués : ils m’ont proposé, par exemple, de faire un lâcher de ballons blancs au cimetière.
La vie après le décès de Côme : surmonter cette épreuve et se reconstruire
Les premières semaines
Chaque parent ayant perdu un enfant vit sa mort de manière différente. Il y a de nombreux facteurs qui rentrent en jeu dans l’avancement du deuil, même si on ne fait jamais son deuil. On n’oublie jamais son enfant, il est toujours là. Au tout début, certaines personnes me disaient « le temps fera les choses », mais je ne les croyais pas du tout. On est tellement dans un sale état que l’on ne pense pas à l’avenir.
Les premiers jours, les premières semaines, je me demandais comment on allait faire pour aller de l’avant avec notre fille. J’étais vraiment bloquée, mais ce qui nous a vraiment aidé, c’est le soutien de nos proches. Je crois que du jour où Côme est décédé, nous n’avons jamais été seuls à la maison pendant au moins deux mois. J’avais peur et je redoutais d’être toute seule. Nous avions besoin de nos proches et même pour notre fille, c’était important. On a eu un tel bouleversement dans notre vie que nous avions du mal à nous gérer nous-même, gérer notre propre corps. Même marcher consistait en un effort pour nous. Lorsque l’on enterre notre enfant, on enterre une partie de nous-même. Mais après on reprend au fur et à mesure un peu plus racine.
Le soutien de nos proches
Malgré tout, pour nous, le plus dur a été de gérer notre fille car quand on est parent, on doit prendre le dessus pour nos enfants et si nous n’avions pas eu nos proches, on n’aurait eu aucune aide.
Heureusement que Jade a quand même compris rapidement ce qu’il s’est passé, mais ça reste une enfant qu’il faut emmener à l’école, faire manger, faire prendre son bain… Pour nous, les gestes du quotidien étaient vraiment insurmontables. Je ne sais pas comment les personnes qui n’ont pas le soutien de leurs proches font. On a finalement eu l’aide de notre famille et de nos proches pendant très longtemps. Ils nous faisaient à manger, ils mangeaient avec nous et ça nous a permis de ne pas perdre de poids. Ils ont vraiment été importants pour nous ! Aujourd’hui encore, nous avons des amis à la maison tous les week-ends, toutes les semaines. C’est un peu une sorte de routine qui s’est installée et ça nous fait beaucoup de bien d’être toujours entourés.
Le soutien psychologique
Ensuite, il y a eu le soutien psychologique qui nous a beaucoup aidé à surmonter cette épreuve. Notre fille a été la première à voir une psychologue. Ensuite, j’en ai vu une. J’ai été accompagnée pendant un an par une psychologue de l’hôpital qui était présente le jour du décès de Côme, c’était plus simple puisqu’elle était au courant de tout. Elle m’a beaucoup aidée. J’avais besoin d’un avis professionnel sur la situation, sur ce que l’on doit faire et même par rapport à notre couple. Avec mon conjoint, nous vivions le deuil de notre bébé complètement différemment. On n’avait pas les mêmes envies, les mêmes besoins. Le fait de pouvoir expliquer tout cela à une psychologue et réussir à savoir comment gérer tout cela, ça nous a beaucoup aidé.
Mon conjoint, lui, n’a pas voulu aller voir de psychologue. Il n’en parle pas aussi facilement que moi, et même dans la vie de tous les jours, il ne s’exprime pas trop sur tout cela. C’était assez compliqué pour mes proches et moi car nous n’arrivions pas à savoir dans quel état d’esprit il se trouvait. J’ai décidé de l’emmener voir un psychologue mais ça ne servait à rien. Finalement, c’est là que j’ai compris que l’on vivait le deuil différemment, que l’on n’avait pas les mêmes besoins et que s’il ne voulait pas en parler c’était ok.
Pour ma part, il a vu que ça me faisait du bien de parler avec une professionnelle, d’en parler sur les réseaux sociaux et il l’a accepté. Quoi qu’il en soit, aujourd’hui on réussit à parler de certaines choses importantes comme l’arrivée de notre deuxième fille. On parle ensemble de la préparation de la chambre, des affaires de Côme qu’il faut enlever. C’est un sujet où il faut se concerter et bien évidemment, on arrive à discuter de tout cela.
Surmonter l’épreuve grâce aux réseaux sociaux
Grâce aux réseaux sociaux, j’ai réussi à trouver d’autres soutiens importants pour surmonter cette épreuve. Au départ, je pensais que ça allait faire fuir les gens, mais finalement non. Lorsque j’ai commencé à raconter notre histoire, j’ai eu plein de messages de mamans à qui la même histoire était arrivé. J’ai trouvé beaucoup de soutien, d’aide, d’appui grâce à ma communauté. Ça a été un point très positif et j’ai bien sûr eu l’accord de ma psychologue avant d’exposer le sujet sur mes réseaux sociaux.
Tout cela m’a fait réaliser que la mort subite du nourrisson n’arrivait pas qu’aux autres et que malheureusement, nous n’en parlons pas assez. Certaines personnes sont moins entourées que d’autres et nous croisons parfois des parents qui ont vécu cela sans jamais le savoir malheureusement. Les circonstances de ces malheurs sont parfois très différentes, mais ça reste peut-être un peu trop tabou.
Lorsque certaines personnes sont venues me parler sur mon Instagram, elles me disaient qu’elles ne parlaient plus du tout de leur enfant, qu’elles n’avaient pas été accompagnées et je me suis dit que ce n’était pas possible, que c’était horrible ! D’autres m’ont fait part du bien que ça leur faisait d’en parler et finalement on se faisait du bien mutuellement.
Il y a aussi, sur les réseaux sociaux, des personnes qui me demandent quoi faire puisque ça leur arrive dans leur entourage. C’est parfois compliqué de leur répondre, mais ça fait du bien malgré tout de savoir que l’on peut les aider un minimum. Il y a même des mamans qui me contactent à la suite de recommandations. Parfois, ce n’est pas facile pour moi, mais du fait de mon métier, j’ai envie de les rassurer en répondant à leurs questions. Puis, il y a aussi beaucoup de personnes qui me disent que grâce à Côme, il y a un message que je fais passer. Peut-être qu’il est parti pour aider les autres parents, les autres bébés.
En tout cas, une chose est sûre, c’est que depuis ma recommandation sur mes réseaux sociaux du moniteur nanny ou de tout autre détecteur de mouvements respiratoires, il y a beaucoup de parents qui en ont fait l’achat. Certains parents n’osaient pas en acheter avant, car ils se disaient que c’était trop « anxiogène », qu’ils allaient devenir « fou » avec ça et finalement non, ça les rassure. J’essaie vraiment de faire passer un message de prévention sur mon compte Instagram sur la mort inattendue du nourrisson et ensuite, une fois le message passé, les parents sont libres de faire ce qu’ils veulent.
La troisième grossesse
L’envie d’avoir un nouveau bébé est venue très rapidement. C’est quelque chose que je ne peux pas expliquer et je pense que c’est propre à chacun. Je me souviens avoir posé la question à mon conjoint, un soir dans le lit. Je pensais qu’il allait me dire non et finalement il m’a dit oui tout de suite ! Je pense que l’on avait besoin de retrouver de la vie et du bonheur dans notre maison, mais évidemment on avait aussi l’envie et le besoin de materner. Nous avions envie de retrouver de la joie, des sourires sur le visage de nos proches et d’annoncer une bonne nouvelle.
Je suis tombée enceinte au bout de deux mois. Nous vivons cette grossesse différemment. Nous avons beaucoup plus d’angoisses. Elles se sont multipliées contrairement au deux précédentes. Mais, plus la grossesse avance et plus j’ai de l’espoir, même si, malgré tout, tant que bébé n’est pas là, je vais avoir jusqu’au bout, plus d’angoisses que pour les autres grossesses.
Concernant le sexe du bébé, nous avions hâte de le connaître puisque l’on s’est dit que si c’était un garçon ça allait être plus compliqué concernant les affaires à garder. Finalement, la question ne se pose pas, on va tout changer et on s’est mis à peu près d’accord sur ce que l’on allait garder ou pas !
C’est une gestion encore un peu différente. Moi je m’inquiétais plus sur les vêtements à garder et mon conjoint sur les jouets. Il m’a dit : « Pour les jouets, on ne garde rien pour la petite. » Ensuite, j’ai commencé à faire le tri dans les vêtements de Côme. Il y a certains habits que je souhaite garder en souvenir car je le vois encore dedans et d’autres où je n’en vois pas l’intérêt. Concernant les meubles, on a décidé ensemble de les garder puisque c’était, au tout début, ceux de Jade.
Achat du détecteur de mouvements respiratoires pour éviter la mort subite du nourrisson
Pour la venue de notre fille, on va évidemment acheter le détecteur de mouvement respiratoire. Ensuite, on a quand même cette angoisse de se demander quelle place va avoir notre fille à l’avenir, car forcément elle arrive après une épreuve familiale compliquée. Elle arrive après le décès d’un grand frère qu’elle n’aura pas connu mais qu’elle connaîtra sûrement à travers nous. Je pense sincèrement que je vais avoir besoin de me faire accompagner sur ce sujet-là.
Et, grâce à ma communauté, des personnes m’écrivent en me disant qu’elles sont nées après un enfant décédé. On échange alors ensemble : « comment l’as-tu vécu ? est-ce que tu en a parlé avec tes parents ? », etc. C’est hyper enrichissant. Et si on ne souhaite pas en parler via Instagram, il y a beaucoup de groupes de parole, d’associations qui permettent de discuter de tout cela.
La réaction de Jade concernant la grossesse
Jade a été hyper contente d’apprendre la grossesse. Au début elle me parlait beaucoup d’une petite sœur, mais après elle voulait un petit frère. Quand elle a appris que c’était une fille, elle était un peu déçue. Mais nous parlons beaucoup.
Au départ, je voulais, moi aussi un garçon car j’avais le besoin de retrouver mon fils à travers un nouveau bébé, mais ma psychologue m’a dit que pour Jade, ce serait mieux que ce soit une fille pour éviter qu’elle fasse des comparaisons. Finalement, mon conjoint et moi sommes très contents d’avoir une petite fille ! On implique beaucoup Jade comme pour la deuxième grossesse, on fait du shopping ensemble, on fait la décoration de la chambre de bébé et elle est très contente.
A lire aussi :